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Saïd Boukhelifa: «Les agences professionnelles sont victimes d'une concurrence déloyale»
Il n’est plus à présenter. En somme, il est «la mémoire vive» du tourisme national. Il est expert international et membre du conseil d’administration de l’Association mondiale de la formation hôtelière et touristique (AMFORHT) et secrétaire général de l’Association algérienne des experts et scientifiques du tourisme et de l’hôtellerie (AAESTH). Saïd Boukhelifa a édité (à compte d’auteur), un excellent ouvrage, Les mémoires touristiques algériennes, réédité à deux reprises alors que les stocks sont épuisés. Rencontré lors de la cérémonie-hommage aux anciens du secteur, organisée par le ministère du Tourisme et de l’artisanat, dans le sillage de la célébration de la Journée nationale du tourisme (25 juin de chaque année), il a répondu volontiers à quatre questions.
1- Que représentent les journées nationales ou internationales, pour l'expert que vous êtes?
Commençons pat la Journée nationale du tourisme, puisqu’on y est et on la célèbre aujourd’hui même. Je dirais, hélas, qu’elle est mal préparée par le ministère du Tourisme et de l’artisanat (MTA) et par la majorité des directions du tourisme et de l’artisanat (DTA).
On nous sert, à chaque fois depuis des années, des discours redondants et non porteurs de solutions à notre tourisme, qui se développe mal.
Quant à la Journée internationale du tourisme, elle est une fête qui rappelle aux pays membres de l'Organisation mondiale du tourisme (OMT), qu’ils sont appelés à réagir en fonction du thème édicté pour l’année.
2- Un constat, le recours au marketing électronique est en deçà des attentes, peu d'agences y ont recours...quel est son impact sur la commercialisation des produits et comment y remédier?
Effectivement, le marketing électronique est peu utilisé par les agences de tourisme et voyages (ATV), car moins de 5% sont professionnelles sur les 6000 existantes.
Une pléthore parasitaire. La France, première destination mondiale, ne possède que 4500 agences. Trop d'agences, tuent les véritables agences professionnelles, peu nombreuses et victimes d'une concurrence déloyale. C'est le grand bazar, sous l'œil laxiste de la tutelle qui leur a délivré les agréments. Elle devrait sévir et appliquer son article de loi17, qui édicte 3 mois de fermeture pour défaillance puis, en cas de récidive, 6 mois de fermeture avant la fermeture définitive. Les ATV nouvelles, agréées entre 2016 et 2023 pour la plupart, ne craignent ni Dieu, ni le diable !
3- Les investisseurs, les opérateurs (agenciers, hôteliers,...) et le potentiel touriste se plaignent. Qu'est ce qui ne va pas, au fait?
Tout le monde se plaint, à tort et à raison, car nous sommes dans un tourisme de bazar et, surtout dans une situation de non tourisme. Le MTA ne régule que peu de choses, n'applique pas des sanctions méritées en fonction de la loi. Il s'occupe de délivrer des agréments aux ATV, alors que ce n’est pas son rôle. Son rôle est de concevoir le cahier de charges exigé pour avoir un agrément.
Délivrer un agrément revient normalement aux 58 DTA, qui sont sur le terrain et proches des investisseurs. Elles sont appelées à le faire rapidement, en moins d'une semaine.
Les demandeurs d'agréments attendent des mois pour avoir leurs agréments, car l'administration centrale est dépassée, bureaucratie crasseuse, dénoncée par le Président.
Le MTA s'occupe des plages, ce qui n’est pas dans son rôle. C'est celui des collectivités locales, APC, daïras et Wilaya. Son rôle est de contrôler les hôtels balnéaires, publics et privés, avant et pendant la saison estivale. Il est le seul département à s'occuper des plages, sur les 22 pays méditerranéens !
4- Pour une relance progressive de la destination Algérie, se replacer sur la scène méditerranéenne et sur le marché mondial. Quel type de tourisme adopter, et quelle démarche préconisez-vous pour cela?
Pour ce faire, deux types de tourisme: le saharien et l’archéologique, tous deux porteurs en termes de clientèle aisée, sont à développer comme il se doit. Il faut surtout savoir les faire promouvoir dans des salons à l'étranger!
Pour y remédier, il faut revoir notre politique de formation, nous avons seulement 7 écoles publiques: Bou Saada, Tizi Ouzou et leurs annexes, l'ENST et l'ESHRA et son annexe. Le Mexique possède 150 instituts et écoles, avec 12000 étudiants en tourisme et hôtellerie. Trop de managers non formés et hors secteur, ont été nommés à la tête des entreprises de gestions touristiques (EGT) et des DTA. Nous devons combattre cette situation bloquante, car plus de 2000 étudiants ont été formés depuis 1977. Pas moins de 1000 ont quitté le secteur ou sont partis à la retraite. Sur les 1000 restants, une centaine possède plus de 20 ou 30 années d'expérience. Ils sont marginalisés. On leur a préféré des profanes, par népotisme ou favoritisme de mauvais aloi.
In fine, seule une réelle volonté politique, factuelle est exprimée par des faits concrets .Quand la volonté politique existe, elle fait barrage aux incompétents.
A. Achour